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Emmanuelle Piquet – TOP5 des conseils pour lutter contre le harcèlement scolaire

7 novembre 2024
TOP5 pour aider les enfants à se défendre contre le harcèlement scolaire

Hello, Hello,

Cette saison, les TOP5 changent de cap ! Une fois par mois, on met les voyages entre parenthèse et on va parler parentalité et éducation avec des invités au top !

Parce qu’on est des parents avant tout, non ?

Aujourd’hui 7 novembre 2024, c’est la Journée nationale de lutte contre le harcèlement scolaire. Une journée essentielle pour sensibiliser chacun d’entre nous à cette réalité qui touche de trop nombreux enfants.

Car oui, le harcèlement scolaire a de lourdes conséquences sur le bien-être et le développement de nos enfants. Mais en agissant tous ensemble, nous pouvons changer les choses.

Une récente étude a révélé des chiffres alarmants : plus de 5% des écoliers du CE2 au CM2, 6% des collégiens et 4% des lycéens affirment être victimes de harcèlement. Ces statistiques sont un véritable cri d’alarme.

C’est pourquoi j’ai invité aujourd’hui Emmanuelle Piquet, thérapeute spécialiste de la thérapie brève stratégique selon l’École de Palo Alto et reconnue pour son expertise dans le domaine de la souffrance scolaire. Fondatrice des centres Chagrin Scolaire, elle accompagne chaque année de nombreux enfants et adolescents en difficulté. Elle est l’auteure de nombreux ouvrages, dont le célèbre « Te laisse pas faire ! » qui m’a beaucoup marquée.

Grâce à son expérience et à ses conseils avisés, nous allons mieux comprendre comment soutenir et accompagner nos enfants s’ils subissent cette épreuve.

Que faire si votre enfant vous annonce qu’il est harcelé ? Pourquoi vouloir intervenir et décider de ce qu’il faut faire sans l’accord de son enfant est tout sauf une bonne idée ? Pourquoi les bons sentiments ne constituent pas une solution de lutte contre le harcèlement… Autant de questions auxquelles Emmanuelle Piquet va répondre dans cet épisode.

Allez c’est parti pour le TOP 5 des conseils d’Emmanuelle Piquet pour aider les enfants à se défendre contre le harcèlement scolaire.

 

Mon invitée, Emmanuelle Piquet

Je suis thérapeute pour des gens qui souffrent et qui me font l’honneur de leur confiance pour que je les aide à apaiser leurs souffrances. J’ai avec mon équipe, on est une trentaine maintenant, une spécialité dans les souffrances en milieu scolaire, enfin dans l’apaisement plutôt des souffrances en milieu scolaire et notamment tout ce qui est relationnel entre pairs.

J’ai pas mal écrit aussi sur ce sujet, pas que sur ce sujet, puisqu’en fait moi, vraiment ma passion, c’est un modèle de pensée qui s’appelle l’école de Palo Alto et qui est celui sur lequel je m’appuie en clinique. Donc j’ai écrit également un certain nombre de livres sur ce sujet. Et puis je suis aussi une superviseuse, c’est-à-dire que j’ai la chance d’être beaucoup en supervision avec pas mal de psy de tous horizons. Donc ça me donne une position un peu méta sur un certain nombre de sujets, ce qui me permet de modéliser. Donc c’est c’est à peu près ça.

 

Le dernier livre d’Emmanuelle Piquet

Il s’appelle « Comment rater son couple à coup sûr« . C’est en fait un clin d’oeil à Paul Watzlawick qui est un des penseurs de l’école de Palo Alto. Il avait écrit Comment réussir à échouer ou faites vous-même votre malheur. Donc vraiment cette idée-là, cette espèce de paradoxe. Et dans ce livre, en fait, j’explore j’explore en tout cas toutes les façons très créatives qu’ont les couples pour être sûr de souffrir forcément et durablement.

 

Conseil 1 : ne rien faire sans le consentement de l’enfant harcelé
lutter contre le harcèlement scolaire

Alors déjà je trouve que ce qui est important c’est lorsqu’on a dans son coeur de maman ou dans son coeur de papa le sentiment qu’il se passe quelque chose, mais qu’il nous répond assez invariablement t’inquiète, je gère alors même qu’on sent quand même qu’il y a des changements de comportement et qui sont souvent les signaux faibles de quelque chose qui éventuellement le fait souffrir. Je crois que quelque chose de très important, c’est de pouvoir dire à son enfant « moi j’ai l’impression que c’est dur pour toi, je comprends que tu ne m’en parles pas parce que les adultes font souvent des choses voilà par amour, par inquiétude, par bienveillance, ils font des choses souvent extrêmement improductives, voire aggravantes sur cette thématique…

Donc je comprends que tu n’en parles pas, mais sache que si tu m’en parles, je ne ferai rien avec lequel tu ne seras pas strictement d’accord.

Ça c’est un conseil pour moi qui est vraiment le conseil le plus important parce qu’en fait institutionnellement même si ça change un tout petit peu enfin ça reste quand même pour moi largement insuffisant, Institutionnellement on est vraiment dans le mépris de l’enfant harcelé et de ses compétences. C’est-à-dire que en gros le message qui est envoyé par l’institution depuis longtemps maintenant, c’est en substance : parle à un adulte qui fera les choses à ta place, parce que toi tu es absolument incompétent en la matière.

Et moi je pense qu’il faut vraiment qu’on se dise quelque chose, nous la communauté adulte, c’est que les enfants sont à peu près mille fois plus compétents que nous. Les enfants harcelés, parce qu’ils sont très observateurs par définition, ne serait-ce que pour se protéger, ils sont hyper aux aguets, parce qu’ils connaissent les enjeux bien entendu, ils connaissent les codes, ils connaissent les objectifs de chacun et donc ne pas les écouter est de mon point de vue non seulement très méprisant, donc ça aggrave le mal-être de l’enfant harcelé, mais en plus très peu opérationnel. Parce que le problème qu’on a nous adultes, c’est qu’on regarde cette matière, la matière du harcèlement en milieu scolaire avec nos lunettes de myopes, ou sans lunettes même, enfin bref on ne voit rien, on ne voit pas les choses. Et moi quand je forme des étudiants à la lutte contre le harcèlement, je leur dis que la première chose à faire, c’est de se mettre à côté de l’enfant, accroupi à côté de l’enfant. Il faut être en plongée sous-marine avec lui pour comprendre exactement ce qui se passe de son point de vue à lui.

Donc premier conseil déjà ne rien faire avec lequel l’enfant n’est pas d’accord.

C’est très rare, parce que la plupart du temps les adultes disent « je vais faire ce que je pense moi, parce que moi ta mère je sais mieux que toi ce qu’il faut faire. » Ce qui est faux en réalité.

Parfois en faisant des choses tout à fait logiques de son point de vue, comme aller parler aux harceleurs, aller parler aux parents des harceleurs, aller alerter évidemment les gens de l’établissement, enfin faire toutes sortes de choses comme ça. Et puis parfois ça marche bien entendu.

Mais il y a un grand nombre de cas où au fond, et notamment si l’enfant n’est pas d’accord avec ça, ça aggrave d’une certaine manière, puisque ça ne prend pas en considération le fait qu’il a à la fois une volonté et des compétences, et donc on le nie un peu plus alors que le harcèlement c’est déjà en soi une négation de son être.

 

Conseil 2 : considérer l’enfant harcelé comme une victime et l’aider à faire changer l’inconfort de côté
lutter contre le harcèlement scolaire

Alors le deuxième conseil, qui est un peu lié, mais je trouve que c’est vraiment hyper important de le rediren c’est vraiment que ce qui est difficile en tant que parent dans cette situationn c’est à la fois de considérer son enfant comme en effet une victime, parce que c’est vrai, ce sont des enfants victimes de choses tout à fait abominables vraiment dans un certain nombre de cas, et de le considérer comme étant porteur de compétences.

Et je pense qu’il faut avoir cette double capacité et c’est très dur quand on est soi-même très saisi émotionnellement comme vous le disiez. Mais je crois vraiment qu’il faut à la fois accueillir de façon extrêmement affectueuse son émotion, sa tristesse, sa peur, ne pas nier la propre émotion qui est la nôtre, parce que parfois il y a des mamans qui se disent « il ne faut pas que je pleure parce que je vais encore plus le rendre triste ». Pas du tout ! Il faut dire « Ça me rend ultra triste. Je trouve ça ignoble. Je ne comprends pas comment ils ne peuvent pas voir l’être magnifique que tu es, les qualités incroyables qui sont les tiennes. Je ne comprends pas ça voilà et donc je peux te faire un câlin mon ange, parce que vraiment c’est hyper dur.

Et en même temps dire « voilà, à partir de là comment est-ce qu’on fait pour qu’on réussisse à faire changer l’inconfort de côté, c’est-à-dire en l’occurrence la souffrance de côté, en tout cas de transformer la souffrance qui la tienne en un inconfort du côté du harceleur, parce que c’est bien ça l’idée.

Au fond et ça c’est quelque chose de très important, c’est que le carburant du harcèlement c’est la souffrance de l’enfant harcelé. C’est parce que l’enfant harceleur perçoit une souffrance intense au fur et à mesure du continuum chez l’enfant harcelé, que ça lui donne le signal qu’il a tout gagné, et c’est paradoxal, parce qu’on aime bien penser que les enfants sont tous gentils mais en fait absolument pas.

Et puis le deuxième problème c’est qu’en effet les enfants harceleurs, ils harcèlent non pas parce que ce sont des psychopathes ou des enfants de psychopathe, mais ils harcèlent parce que ça les sécurise en fait. C’est une génération extrêmement inquiète quoi. Donc du coup l’idée c’est vraiment ce double mouvement, c’est à la fois j’accueille et je me mets à côté de toi pour voir comment est-ce qu’on peut faire changer l’inconfort de côté.

 

Conseil 3 : ne pas intervenir dans les relations des enfants
lutter contre le harcèlement scolaire

On en a un peu parlé juste avant, mais je pense que c’est vraiment d’avoir toujours en tête que, d’une certaine manière, lorsqu’on est dans une relation quelle qu’elle soit, donc par exemple toutes les deux nous avons une relation, et donc vous avez un impact sur cette relation, parce que c’est comme si vous teniez le fil de notre relation par un bout. Moi j’ai un impact sur cette relation de la même façon. Si tout à coup quelqu’un intervient dans cette relation, en disant « il faut que ce soit différent, cette relation elle ne va pas bien et caetera », ça ne marche pas, ça n’a qu’un impact exactement contraire à celui que veut cette troisième personne.

Je crois que c’est hyper important de bien avoir en tête qu’on a toujours un impact sur la relation qu’on tient par un bout mais on n’a pas d’impact sur les relations qu’ont les autres avec les autres, sauf si précisément ils nous demandent de les aider, de les conseiller mais ce n’est pas nous qui devons décider de comment doit être la relation.

Et une des caractéristiques des parents modernes pour lesquels j’ai la plus grande désaffection, c’est qu’ils sont vraiment très interventionnistes dans les relations de leurs enfants. Ça devient un peu une matière supplémentaire, comme l’histoire géo ou les maths, c’est-à-dire qu’il y a vraiment un truc qui est observé, très guetté de la part des parents qui se demandent si leurs enfant ont les bonnes compétences sociales. Et ça fait des parents qui, très vite, se mettent un peu dans cette relation qui n’est pas la leur, qui essaient avec leur enfant avec les autres, et de mon point de vue sans le vouloir, en voulant exactement l’inverse, ce sont des parents très affectueux comme on le disait, vont créer des noeuds dans ces relations-là. Donc ça je pense que c’est un conseil sous forme de métaphore qui peut être extrêmement intéressant, notamment pour les mamans, parce que le fait d’aller intervenir dans des relations qui ne sont pas les nôtres c’est très genré. Je suis désolée de le dire, quand on est féministe, je suis très embêtée de le dire ça mais c’est une réalité.

Les mamans, les femmes vont beaucoup dans des relations sur lesquelles on ne leur demande pas d’intervenir pour mettre leur grain de sel, on ne sait pas pourquoi, et ce faisant de mon point de vue, elles aggravent les situations.

 

Les relations de nos enfants

Stéphanie :
ça va sans doute aussi avec ce qu’on disait au tout début, on s’intéresse aux relations de nos enfants, on veut que ça se passe bien, qu’ils aient des amis… mais ce n’est pas à nous de faire ça en fait. Ce n’est pas notre rôle.

Emmanuelle :
Non ça dépend pas de nous malheureusement. On aimerait bien que ça dépende de nous mais ça ne dépend pas de nous.

Stéphanie :
Pas toujours facile, mais d’ailleurs je fais une toute petite parenthèse, sans être harcelé, on peut considérer à tort ou à raison que certaines relations ne sont pas bonnes à avoir ou à développer. Là non plus on n’intervient pas.

Emmanuelle :
Ça c’est vraiment la spécialité des mamans !

Avec cette idée que son enfant est dans une relation toxique, c’est ce que j’entends souvent en cabinet. C’est exactement la même chose, c’est-à-dire que, même à un âge vraiment très très petit, dès quatre, cinq ans, et déjà des mamans s’inquiètent, ce qui est fascinant. Mais vraiment elles le ressentent comme ça. Ce n’est pas du tout une construction, c’est vraiment émotionnel. Et je, enfin je leur fais constater et elles sentent bien qu’en fait précisément, même à cet âge-là, plus elles interviennent en disant je pense que ce serait mieux que tu ne sois pas ma Juliette, plus il y a une espèce de syndrome Roméo-Juliette qui se crée en fait entre cette personne toxique et leur enfant. Et donc ça ça crée vraiment un malaise très fort chez la maman, parce qu’à la fois, elle voit son enfant arriver en étant ultra triste, parce que maltraitée par la personne toxique de quatre ans et demi, et à la fois la voyant ne pas être capable de sortir de cette relation. Et au fond, moi, souvent je leur dis c’est étonnant cette capacité qu’on a à expliquer aux enfants ce qu’est une relation saine, positive, alors même que pardon, mais dans plein de thérapies de couple, il y a des gens qui se contentent de cette relation très ambivalente, où parfois on est malheureux et puis parfois on est heureux et puis voilà. Et au fond, c’est à chacun d’en décider. Même à quatre ans, je suis désolée.

Pas parce que c’est une règle, mais parce que ça ne marche pas de faire autrement tout simplement.

 

Conseil 4 : les bons sentiments ne constituent une solution de lutte contre le harcèlement
lutter contre le harcèlement scolaire

Alors le quatrième conseil, c’est vraiment de ne pas croire que les bons sentiments constituent une solution de lutte contre le harcèlement ! Ça, c’est difficile, vraiment, à appréhender, mais je vous raconte une histoire pour être pour être le plus clair possible.

Donc je reçois un petit garçon qui s’appelle Ernest, qui est en CM1, et Ernest me dit

J’en ai marre parce que dans ma classe, il y a un garçon qui s’appelle César, et il ne veut pas que je joue. C’est-à-dire que chaque fois que je vais demander l’autorisation de jouer, donc je dis César, est-ce que je peux jouer, il dit non, c’est non, tu ne peux pas jouer !

Bon c’est horrible parce que du coup je passe toutes mes récré tout seul, ce qui n’est quand même pas une vie pour un enfant de cet âge-là.

Et donc je lui demande ce qu’il a fait puisque moi, comme je le disais, j’ai besoin de comprendre ce qu’il a déjà mis en place. Surtout parce que souvent, je vais lui faire faire l’inverse de ce qu’il fait. Il me dit qu’il n’en a pas parlé à sa maman, parce qu’elle a déjà trop de soucis comme ça, c’est vraiment une phrase qui revient souvent chez les enfants de cette génération, mais il en a parlé à sa maîtresse qu’il adore, et la maîtresse lui a dit :

Écoute Ernest, ça tombe ultra bien, parce que en fait, on a été choisi dans notre école pour mettre en place un dispositif de l’éducation nationale. Il y a un monsieur très très important qui va venir l’inaugurer la semaine prochaine. Et ce dispositif présente le grand intérêt d’être très peu coûteux, puisque c’est un banc. Un banc en bois la plupart du temps, qui va être peint par les CM2 avec des fleurettes, des pâquerettes et des aqualicornes. Très joli. On va écrire dessus « banc de l’amitié » et le monsieur indique à toute l’école, « si vous faites partie de ces enfants qui n’ont pas d’amis, qui sont tout seuls, avec qui personne ne veut jamais jouer, alors vous vous asseyez sur ce banc, comme ça tout le monde le saura et ainsi les copains viendront jouer avec vous ! »

La question c’est quand même dans quel cerveau est née cette idée étrange, mais bon c’est validé et c’est en ça que je vous dis qu’on a un regard myope. Mais un regard encore une fois empli de bienveillance, parce que je vois bien la bienveillance qu’il y a derrière cette idée.

Ernest, qui a une grande confiance dans sa maîtresse, va s’asseoir sur ce banc pendant la récré et il me dit, je me suis assis cinq fois de suite sur le banc, à cinq récré successives. Et jamais personne n’est venu. Alors, et il a cette formule délicieuse, il me dit je pense que ce n’est pas le banc de l’amitié en fait, je pense que c’est le banc d’Ernest ! Et je dis oui mon amour, c’est exactement ça, c’est le banc d’Ernest.

Donc on va dégager de ce banc parce que ça ne va pas du tout.

Premièrement tu vas d’abord bien intégrer quelque chose d’hyper important. C’est qu’en fait la cour d’école, c’est une démocratie, ce n’est pas un système autoritaire, ce n’est pas une dictature et donc ça veut dire que tu n’as aucune autorisation à demander à personne de ton âge. Voilà ça c’est clair et net. Ça veut donc dire que dès cet après-midi je te propose de rentrer dans le jeu sans demander à quiconque et certainement pas à César. Et donc évidemment César va te dire « non mais Ernest qu’est-ce que tu fais ? ». Et là, je t’invite à le regarder droit dans les yeux et à dire assez fortement, pour que tout le monde entende, c’est parce que tu t’appelles César que tu t’es pris pour un empereur. Alors ça ne fonctionne que si l’autre enfant s’appelle César, mais ça marche aussi avec Vladimir et d’autres prénoms. Et donc c’est ça qui est super intéressant, c’est de savoir quoi répondre, de savoir comment faire changer l’inconfort de côté.

Il est très excité et je demande à sa maman de l’entraîner, comme je demande à tous les parents. Et puis quinze jours plus tard, j’ouvre la porte de ma salle d’attente et là, ça c’est un des plus beaux moments dans ma vie professionnelle, c’est que je les vois transfigurés, enfin je ne sais pas comment dire. Je ne les reconnaîtrais pas dans la rue et là Ernest, je sens un truc mitigé donc mon intuition n’est pas exactement très positive.

Bon je le fais venir dans mon cabinet, je dis ça va Ernest ? Il n’est pas très content et me dit, qu’il n’avait pas pu le dire. Je lui dis, mais qu’est-ce qui fait que tu n’as pas pu le dire Ernest, qu’est-ce qui s’est passé ? Il me dit, il m’a laissé jouer. Alors je dis, ah mince. Et pourtant je me suis entraîné avec maman, franchement c’est abusé. Je dis, ouais non, c’est pas chouette, je ne te félicite pas, je dis, je suis vraiment désolée, Ernest. Et donc ça, c’est, je trouve, la deuxième chose très intéressante et qui peut aussi prendre une forme de conseil, c’est qu’il faut leur donner des façons de résister ! Notre proposition c’est de résister au harcèlement plutôt que de le subir, car la plupart du temps quand on le subit, on aggrave l’effet de harcèlement.

Au fond la stratégie, c’est que la cerise sur le gâteau. Nous ce qu’on souhaite obtenir, c’est un changement de posture chez eux. C’est-à-dire qu’ils acquièrent une posture tellement différente que le harceleur se dit, je ne vais pas y aller cette fois-ci, parce que c’est trop dangereux pour moi, en termes de popularité, de puissance. Donc voilà, je trouve que l’histoire d’Ernest, elle est vraiment très éloquente de cette idée que ce n’est pas avec des bons sentiments qu’on génère ce genre de changement.

Je pense que c’est vraiment en analysant les interactions et en outillant celui qui souffre qu’on fait bouger les choses.

Ça me fait sourire évidemment, parce que j’imagine trop Ernest qui est accueilli dans ce jeu sans, sans autre forme de quoi que ce soit d’ailleurs, et qui se dit, mais non, je me suis entraîné, pourquoi je ne peux pas le dire, et je le sentais hyper préparé et c’est la meilleure chose qui pouvait se passer effectivement.

 

Conseil 5 : apprendre aux enfants à gérer leurs relations avec les autres
lutter contre le harcèlement scolaire

Il faut se rappeler le paradoxe de la prise en charge, c’est-à-dire bien avoir toujours en tête que lorsqu’on prend en charge les relations de notre enfant, puisque c’est ça dont on parlait tout à l’heure, donc quand on se met un peu en mode garde du corps, ce qu’on a envie de faire clairement tous, en intervenant à sa place, en faisant intervenir d’autres adultes à sa place, quand on essaye de mettre un édredon entre lui et cette relation dysfonctionnelle, on lui envoie deux messages.

Le premier message qu’on lui envoie, c’est je t’aime mon amour et donc je serai toujours là pour te protéger. C’est un message tout à fait positif évidemment. Et le deuxième message c’est tu n’es pas capable de gérer ce type d’interaction.

Et là où c’est paradoxal, et à mon avis tout à fait aggravant, c’est que ça vient un peu plus creuser le peu d’estime qu’ils ont en eux sur ce sujet des compétences sociales. Puisque la personne la plus importante pour eux au monde leur dit en substance, même si c’est implicite, tu n’es pas capable, la preuve je suis là, si tu étais capable, je ne serais pas là. Et ce que je crois, c’est que les enfants, les écoliers, les collégiens, les lycéens, ce qu’ils viennent apprendre comme matière dans les établissements, ce n’est pas uniquement l’hsitoire ou le latin, c’est aussi la relation et que nous, communauté adulte, notre devoir c’est vraiment de les aider à savoir gérer ces comportements problématiques. Parce que ce n’est pas parce que la dernière sonnerie du lycée retentit que les comportements problématiques s’arrêtent. Tout le monde sait que en entreprise, il y a des choses tout à fait dysfonctionnelles, dans le couple aussi, parfois même dans des groupes sociaux amicaux. Et je crois que c’est vraiment important d’apprendre à savoir gérer ça, parce que parfois, en effet, il faut fuir, mais parfois on peut aussi faire changer la relation dysfonctionnelle en une relation plus fonctionnelle, en tout cas beaucoup plus équilibrée. Et ce faisant d’ailleurs, je pense qu’on fait faire un apprentissage également à l’enfant harceleur, parce qu’une victime, ça peut résister. Et ça c’est un apprentissage très important, donc c’est très systémique pour moi comme apprentissage. On n’est pas que sur quelque chose d’individuel, on est sur quelque chose de très collectif en fait en termes d’apprentissage.

 

Est-ce que dans votre cabinet, vous avez aussi des enfants harceleurs qui viennent vous voir, enfin des parents qui viennent vous consulter parce qu’ils ont constaté que leur enfant avait cette tendance-là ?

Excellente question, zéro.

C’est hyper intéressant, je trouve ça passionnant, parce que j’aimerais bien en avoir un ou deux pour discuter de tout ça.

En fait je crois que ça ne s’est pas passé, parce que c’est pas très agréable à entendre, mais je crois que les parents d’enfants harceleurs, à leur décharge, la grande majorité ne sait absolument pas ce qui se passe et évidemment ils ne s’en vantent pas. Mais quand ils sont un peu alertés par les parents de l’enfant harcelé ou même l’établissement, on sent quand même quelque chose de très négatif, au sens où ils disent non mais pas du tout, ou soit ils disent non mais ça va on ne va pas s’énerver pour des gamineries. Et je pense qu’à l’intérieur d’eux-mêmes il y a quelque chose qui est de l’ordre de « au moins le mien il ne sera pas embêté« , parce que c’est quand même ça qui fait le plus souffrir, ça fait beaucoup plus souffrir d’avoir un enfant harcelé que d’avoir un enfant harceleur, la preuve les parents ne viennent pas.

Et puis par ailleurs, les enfants harceleurs, si on leur demande de venir, ils disent non. Enfin pour le dire autrement Stéphanie, je pense que j’ai eu des enfants harceleurs en consultation mais ils ne venaient pas pour ça. Jamais un enfant harceleur m’a dit, je viens te voir parce que c’est horrible, je harcèle les autres et je voudrais que tu m’aides parce que ça me fait beaucoup souffrir. Non, non, parce qu’encore une fois, au moment où il harcèle, l’enfant harceleur éprouve du plaisir.

Je pense qu’ils sont plutôt plus heureux que la moyenne. C’est un plaisir immoral bien entendu, donc ça nous dérange mais c’est un plaisir qui a assez peu d’équivalent, c’est celui de l’emprise en fait, celui de la perception qu’ils ont un impact considérable, qu’ils opèrent sur la destinée de quelqu’un d’autre. Donc c’est un vrai plaisir au sens intense du terme et c’est plutôt des gamins qui sont assez bien dans leur peau de ce que m’en disent les enfants harcelés. C’est plutôt des gamins qui gèrent assez bien leur environnement à 360. Alors on aimerait bien qu’ils souffrent, en se disant que s’ils souffrent moins, ils le feront moins. Mais en fait je ne crois pas du tout que c’est à ce niveau-là qu’il faut le prendre.

Je pense qu’il faut plutôt se dire comment on fait en sorte en aidant l’enfant harcelé à jeter des graviers dans le cercle vicieux du harcèlement, comment on fait en sorte que le harcèlement lui devienne désagréable et non plus un plaisir.

Nous c’est toute notre approche.

 

Vous voyez de plus en plus d’enfants harcelés dans votre cabinet ?

Oui bien sûr, mais je ne suis pas sûre qu’il faille en faire une loi.

C’est aussi lié au fait qu’on est de plus en plus identifié, qu’on a des thérapeutes et caetera. Donc ce n’est pas simplement parce que le phénomène s’amplifie. Je crois que le phénomène, il n’est pas absolument pas régulé parce que je pense que l’éducation nationale a pris les choses d’une façon à mon avis très peu opérationnelle. Et en plus, on est très amnésique, mais quand on se remémore de façon un peu précise nos jeunes années, même si pour moi c’était il y a fort longtemps, on a tous en tête soit quelqu’un qui était totalement isolé, soit quelqu’un qui était très harcelé, et caetera. Ce n’est pas un phénomène nouveau.

Ce qui est nouveau, c’est que ça indigne beaucoup plus, à juste titre évidemment, la population adulte et que du coup, et c’est ça qui moi m’inquiète, les enfants eux n’en parlent plus. Ils sont quand même 60 % à ne pas en parler à leurs parents au moment des faits. Alors même que le message de l’éducation nationale est depuis dix ans, parle à un adulte, parles-en, il faut que tu en parles, il faut libérer la parole… Et comme ça l’adulte s’en occupera à ta place et bizarrement ça n’a aucun impact. Enfin en tout cas très peu.

Parce que 60 % qui n’en parlent pas à leurs parents au moment des faits, ils n’en parlent pas plus tard, un deux trois années plus tard. Mais au moment des faits, ça veut bien dire quelque chose qui d’ailleurs est étayé par un autre chiffre que je trouve moi personnellement glaçant, c’est que 64 % des collégiens considèrent que les adultes ne savent pas gérer les situations de harcèlement, c’est énorme. Ça veut dire qu’on a vraiment échoué. On a échoué collectivement, mais on continue à faire un peu plus de la même chose et ça c’est toujours ça qui me fascine quand même.

 

Comment contacter Emmanuelle Piquet et ses équipes ?

Sur notre site A180degres.com, on a un blog et un onglet qui s’appelle le lab, où on a mis plein de données en open source pour que les parents, les professionnels et même les enfants puissent s’en emparer. Donc déjà ça c’est une première banque de données qui est hyper intéressante.

Et puis ensuite sur ce site, si en effet on a besoin d’un rendez-vous, alors là il y a toute une équipe auprès de laquelle on peut prendre rendez-vous en ligne, et on est dans pas mal de villes. Et puis tout le monde consulte consulte via zoom, donc c’est assez facile pour prendre un rendez-vous.

 

Pour retrouver Emmanuelle

 

Pour finir

Écoutez l’épisode complet sur « Famille & Voyages, le podcast » pour découvrir tous les conseils d’Emmanuelle Piquet.

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À bientôt, pour un nouvel épisode.

D’ici là, prenez soin de vous, inspirez-vous et créez-vous de chouettes souvenirs en famille !

 

Stéphanie

Crédit music : Luk & Jo 

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